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Le Bevacizumab est un anticorps monoclonal humanisé anti facteur de croissance de l’endothélium vasculaire, disposant d’une AMM européenne en injection pour le traitement de certains cancers. Il est aussi employé dans le cadre d’une RTU, en France, dans le traitement de la dégénérescence maculaire en injection intravitréenne. En raison de la forte différence de prix entre le Bevacizumab et les produits avec AMM (Ranibizumab et Aflibercept) l’utilisation du Bevacizumab est massive en Europe et au US. Cependant la sécurité de l’utilisation du Bevacizumab en injection intravitréenne est débattue, avec des cas rapportés d’augmentation de la pression intra-oculaire ou d’endophtalmie post injection.
Pour être utilisé en injection intraoculaire, le Bevacizumab nécessite d’être prélevé dans une seringue, à partir des flacons en verre. Durant cette étape et pendant le stockage qui peut s’en suivre, on observerait la formation de particules qui auraient pour origine le silicone des seringues, ou l’anticorps lui-même qui réagit avec le plastique.
De nombreuses études sur la stabilité du Bevacizumab ont été réalisées, mais leurs conclusions divergent. Certaines études espagnoles et hollandaises concluent à une durée maximum de 3 jours suite à la formation d’agrégat ou de particules, puis une étude anglaise retrouve que les produits commercialisés n’atteignent pas la péremption de 3 mois indiquée ;enfin d’autres ont rapporté des durées de stockage de 3, 6 et même 21 mois possible. Les études en question ont étudié les structures protéiques et leur quantité, la formation de particules sub visibles et l’activité biologique de l’anticorps. Bien que des conclusions claires soient difficile à obtenir, la présence de particules dans la solution semble limiter la sécurité et la stabilité du reconditionnement du bevacizumab.
Une étude récente menée aux Pays Bas a donc étudié les particules présentes dans le bevacizumab dans la seringue en plastique après reconditionnement mais également dans le flacon en verre de départ.
Les seringues reconditionnées de 3 hôpitaux différents ont été testées. Les seringues de 1 mL en polycarbonate lubrifiées avec de l’huile de silicone furent ainsi conservées entre 2 et 8 °C pour 28 à 37 jours.
L’hôpital A réalise des lots de 100 unités par semaine pour un volume de 0,12 mL/unité en isolateur (crossflow cabinet) situé dans une ZAC de classe B. Les seringues sont par la suite scellées.
L’hôpital B réalise des lots de 40 unités à raison de 1 ou 2 lots par semaines pour un volume de 0,15mL/unité en isolateur (safety cabinet) de classe A situé dans une ZAC de classe C. Deux flacons de Bevacizumab utilisé pour le reconditionnement ont aussi été analysés.
L’hôpital C réalise des lots de 300 unités pour un volume de 0,12 mL/unité en isolateur (safety cabinet) situé dans une ZAC de classe B.
Les particules non visibles sont comptées par test d’obstruction lumineuse en accord avec la monographie de la Pharmacopée Européenne. Les mesures se sont déroulées entre J0 et J37, les contenus de plusieurs seringues ont été poolés pour avoir 3mL de solution a diluer avec de l’eau sans particules.
Le Bevacizumab d’origine (AVASTIN®) est déterminé pour deux lots différents. Les deux lots sont conformes à la pharmacopée européenne pour les solutions parentérales en petit volume mais un des lots ne suit pas les critères plus stricts de la Pharmacopée américaine pour les solutions ophtalmiques.
Le reconditionnement en seringues a induit immédiatement (à J<1) la formation de petites particules avec un nombre de particules ≥25 µm multiplié par 1,3 fois, et celle ≥10µm multiplié par 5 par rapport au conditionnement d’origine. Les lots ne montrent pas d’augmentation après J1, il n’y a pas de significativité dans les résultats en comparant J0 et J28 ou 30 ou 37. Ainsi une conservation jusqu’à 37 jours n’induit pas la formation de particules supplémentaires.
L’explication la plus probable est que le conditionnement lui-même induit la formation de particules, par la combinaison de stress lors de l’ajout et donc par agrégation protéique et par libération de silicone depuis le revêtement. La libération de silicone est observée pour d’autre injection intravitréenne. L’agrégation elle-même peuvent être amplifiée par la présence de gouttelette de silicone et de bulles. La limite pour de très petite quantité de solution n’est pas établie clairement. La Pharmacopée Européenne se focalise sur la voie d’administration (parentérale), cependant les injections dans le sang et dans les yeux sont fondamentalement différentes.
La Pharmacopée Américain utilise des limitations pour la voie ophtalmique, mais les volumes utilisés pour des injections intravitréennes et pour des gouttes de collyre sont bien différents, ainsi les critères américains semblent trop stricts.
Cette étude montre comment la pharmacopée Néerlandaise a fait un compromis entre les 2 pharmacopées, Américaine et Européenne.
Cette étude s’accorde avec d’autres pour conclure que le reconditionnement en seringues du Bevacizumab, permet une prolongation de la durée de conservation sous réfrigération.
Ainsi cette étude s’ajoute aux connaissances sur la sécurité du reconditionnement et sur la conservation du Bevacizumab, montrant que les seringues préparées sont conformes à la pharmacopée et que les particules formées pendant le reconditionnement n’impactent pas la durée de stockage communément admise de 4 semaines.