Preparations hospitalieres et magistrales

veille bibliographique en langue française sur la préparation/fabrication de médicaments en pharmacie à l'hopital et en pharmacie d'officine

Quel impact de la forme galénique d’une préparation sur l’effet obtenu chez les patients ? exemple des corticoïdes dans l’oesophagite à éosinophiles — 21 juillet 2022

Quel impact de la forme galénique d’une préparation sur l’effet obtenu chez les patients ? exemple des corticoïdes dans l’oesophagite à éosinophiles

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On se pose souvent la question de l’impact du choix de la forme pharmaceutique sur l’effet réel d’un médicament (efficacité et sécurité d’emploi) chez les patients. Les données comparatives sont parcellaires, notamment pour les préparations pharmaceutiques.

Une récente évaluation médicale américaine a porté sur l’impact de la forme galénique dans le traitement de l’oesophagite à éosinophiles par corticoïdes locaux. Dans cette indication, il n’existe pas de médicament fabriqué par un laboratoire industriel disposant d’une autorisation sur le marché, aux Etats Unis. Cela nécessite alors le recours à des préparations réalisées par les pharmacies (préparations magistrales).

Les médecins ont évalué rétrospectivement l’effet histologique chez 103 patients adultes de leur centre, pour deux formes galéniques de préparations pharmaceutiques : des gélules (chez 41 patients) ou un gel (pour 62 patients) d’un corticostéroïde, le budésonide à dose fixe (3 mg).

Pour être pris en compte, les patients devaient avoir bénéficier d’une biospie, de manière à évaluer l’effet du traitement.

Pour les patients prenant les gélules, la consigne était d’écraser le contenu de la gélule et de mélanger avec un édulcorant de type « Splenda » (1–2 sachets avec 10 mL d’eau), ou avec du sirop de pancake, de chocolat ou du miel pour obtenir 10 mL de volume total/dose. Le gel consistait en du budésonide mélangé à du Rincinol°, un adhérent mucosal, pour obtenir une préparation à une concentration de 0,3 mg/mL.

Ainsi la forme galénique semble importante pour l’efficacité du traitement, le gel de budésonide ayant une probabilité plus élevée d’atteinte histologique à type de rémission (84%) par rapport aux gélules (59%) de budésonide dans les patients testés, liée à l’adhérence ou à une meilleure dissolution du principe actif. L’évaluation a aussi montré qu’un groupe de patients était en tout état de cause réfractaire aux stéroïdes (15 % des patients traités par gel).

PS : je remercie l’auteur correspondant qui m’a envoyé le pdf de l’article !

Stabilité des vaccins COVID-19 de nanoparticules lipidiques : comment l’évaluer ? — 3 juillet 2022

Stabilité des vaccins COVID-19 de nanoparticules lipidiques : comment l’évaluer ?

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Les vaccins contre COVID-19 apparus emploient pour certains d’entre eux la technologie de l’ARN messager (ARNm). Ces vaccins COVID-19 à base d’ARNm permettent de coder pour la glycoprotéine virale Spike (S) du SARS-CoV-2 qui comprend deux substitutions de proline (mutations dites « K986P » et « V987P »), de manière à stabiliser la conformation de perfusion de la glycoprotéine. Ces brins d’ARNm sont chargées négativement.

Au vu du risque de dégradation de ces structures d’ARNm fragiles, plusieurs stratégies ont été employées de manière à les protéger et leur permettre d’atteindre leur cible au niveau du cytoplasme cellulaire. Parmi ces stratégies, celle développée par BioNTech/Pfizer consiste à encapsuler l’ARNm dans des nanoparticules lipidiques, contenant des lipides ionisables cationiques. Par ailleurs des PEG couplés à des lipides permettent en surface d’apporter de la furtivité à l’ensemble de la particule dans l’organisme.

On comprend de ce fait que l’évaluation de la stabilité de l’ensemble de la forme pharmaceutique comprend à la fois l’évaluation de l’ARNm mais également des nanoparticules.

Dans une note récente publiée dans le journal américain de pharmacie hospitalière (Am J Health-Syst Pharm), David Driscoll (expert reconnu sur les dispersions injectables) a évoqué les aspects relatifs à la stabilité physique des dispersions de ces nanoparticules lipidiques qui ont 2 composants critiques :

  • les lipides fonctionnels affectant potentiellement le principe actif (ici l’ARNm),
  • les lipides structurels affectant la stabilité de la dispersion,

Des différences significatives d’instabilité chimique de l’ARNm restée intègre ou non ont été rapportées entre les lots dédiés pour les essais cliniques et commerciaux.

Généralement pour un principe actif « classique », les limites généralement retrouvées dans les pharmacopées sont de plus ou moins 10% de la teneur indiquée sur l’étiquette.

Aussi, il n’y a pas de consensus officiel quant à la ou aux meilleures méthodes physiques pour évaluer la stabilité des dispersions de ces nanoparticules.

À l’heure actuelle, la norme la plus proche retrouvée dans une Pharmacopée est le chapitre général 729 de la pharmacopée américaine (USP) (USP <729>), mais les limites s’appliquent à des gouttelettes d’huile de triglycéride stabilisées par des phospholipides dans l’eau (comme ce que l’on retrouve dans les émulsions de nutrition parentérale). Le diamètre moyen des gouttelettes (DMG) ne doit alors pas dépasser 500 nm. Or les dispersions de nanoparticules lipidiques ont un DMG d’un ordre de grandeur inférieur à celui spécifié dans l’USP <729>; ainsi, il n’existe aucune méthode ou directive officielle qui s’applique à ces dispersions. A noter que la Pharmacopée Européenne ne mentionne pas de spécificité relative aux dispersions injectables.
Cette préoccupation pourrait également être pertinente pour les nanoparticules lipidiques employées comme vaccins COVID-19. La stabilité de la distribution granulométrique – en particulier la « queue » de grand diamètre et «aberrante» des agrégats – signale des problèmes majeurs de stabilité physique, qui ont des implications claires pour les lipides structurels maintenant la dispersion colloïdale. Ces particules surdimensionnées modifient également de manière significative la distribution homogène du principe actif au sein des lipides fonctionnels dans la forme galénique pharmaceutique. Par conséquent, l’administration imprécise et incohérente de quantités suffisantes de vaccin qui en résulte peut induire des réponses cliniques inappropriées.
Heureusement, les technologies à employer sont disponibles pour déterminer les nanoparticules lipidiques d’intérêt dans la gamme adaptée de taille submicronique. Des exigences de la pharmacopée devraient maintenant être élargies pour établir des limites de taille « officielles » de particules pour les nanoparticules de même type que les paramètres précédemment établies pour les émulsions injectables lipidiques dans l’USP <729> (c’est-à-dire la taille moyenne des particules et la queue de la distribution granulométrique de grand diamètre).

Ruxolitinib (JAKAVI°) à administrer dans une sonde entérale — 2 juillet 2022

Ruxolitinib (JAKAVI°) à administrer dans une sonde entérale

Préparation de ruxolitinib au CHU de Lille

Nous avons été récemment sollicités pour aider à l’administration de ruxolitinib (JAKAVI°) chez un patient adulte en réanimation porteur d’une sonde entérale. Ce médicament peut être utile dans le traitement de la GVH aigue en seconde ligne, résistante aux corticoïdes ; il pourrait également être utile potentiellement dans un certain nombre de pathologies cutanées (dermatite atopique, vitiligo).

Un article de nos collègues de Necker nous a grandement aidé. En effet il a été étudié la réalisation d’une suspension buvable, quand des comprimés broyés étaient mélangés à un véhicule buvable Inorpha (INRESA°) pour obtenir une concentration de 2 mg/mL. La préparation finie est alors stable au moins 60 jours conservé au réfrigérateur ou à température ambiante. La préparation présente une osmolarité adéquate pour ce mode d’administration. Il est nécessaire de protéger l’opérateur qui réalise la préparation de la toxicité du principe actif par des équipements adéquats (boite à gants, …) dans un local dédié.

Cette molécule de BCS classe 1 est sensible à la lumière, d’où l’importance de conditionner la forme buvable dans un flacon de verre ambré. Ainsi certains produits issus de la photodégradation ont été récemment caractérisés par la même équipe.

Une méthode indicatrice de stabilité a été mise en œuvre. L’étude de dégradation forcée a montré que la molécule est difficile à dégrader en milieu acide.

La contamination microbiologique n’a pas été étudiée.

En interrogeant le laboratoire, il a été proposé la réalisation d’une préparation extemporanée pour l’administration dans une sonde, ainsi que des informations relatives à une administration quand mélangé dans un certain nombre de véhicules alimentaires (compote, grenadine, yaourt,…). Il semblerait que certains modèles de sonde ne soient pas compatibles, à moins que ce ne soit le matériau de la sonde (polyuréthane). Cela mériterait d’être étudié en tout état de cause.